Si la réforme des retraites qui veut doubler les cotisations des avocats, condamne inéxorablement notre profession à une mort économique, la récente réforme de la procédure civile est un nouveau fardeau dont nous nous serions bien passés.
Bienheureux celui qui comprend toutes les subtilités des nouveaux textes, issus de décrets dont le dernier remonte à peine à quelques semaines, et qui peut sans risques, engager une action devant le tribunal judiciaire.
Le but de la réforme était parait-il l'amélioration et la simplification de la procédure civile et son corrollaire inévitable, l'accélération du traitement des affaires.
Bien que nous soyons désormais habitués au pullulement des textes, mal écrits, parfois mort nés, et que nous ayons franchi non sans douleur, l'étape du décret Magendie pour la procédure d'appel, les nouvelles règles procédurales devant le tribunal se révèlent compliquées à mettre en œuvre.
Les exemples sont légion:
Les dispositions transitoires tout d'abord, sont source de problèmes : le principe de l'assignation avec prise de date pour toutes les procédures devant le tribunal judiciaire, est généralisé, mais l'entrée en vigueur de cette exigence procédurale est repoussée au 1° septembre prochain, pour les contentieux relevant de l'ancien TGI, qui demeurent soumis aux anciens textes
Les greffes qui doivent nous communiquer les dates d'audience "par tout moyen" ne sont pas prêts ni techniquement, ni juridiquement!
Une même affaire peut obéir à deux régimes procéduraux (l'ancien et le nouveau), c'est le cas des appels en cause délivrés à compter du 1°janvier 2020; on ignore comment le juge va arbitrer ce choc procédural !
La représentation obligatoire est désormais la règle devant le tribunal judiciaire.
Mais les dérogations sont si nombreuses, que la règle en devient presque l'exception.
Nous devons ainsi déterminer si nous sommes en représentation obligatoire (RO), ou en non représentation obligatoire(NRO) en fonction de la nature de l'affaire, du montant de la demande, de la juridiction saisie.
Et ce n'est pas une mince affaire, car les nouveaux articles renvoient à d'autres articles dont la numérotation a été modifiée.
Ce n'est pas tout! car en RO, la postulation territoriale s'applique sauf exception,mais pas en NRO...
La transmission des actes de procédure par RPVA est obligatoire devant le Tribunal Judiciaire, en RO, à peine d'irrecevabilité, pourtant certaines applications n'ont pas encore été créées, pour nous permettre de transmettre les actes par voie dématérialisée.
Un nouveau contrat nommé est apparu dans le paysage judiciaire « la convention participative de mise en état » ou mise en état externalisée, pour inciter les avocats à contractualiser la procédure, et libérer le JME des contraintes de la mise en état.
Alors que jusqu'à présent, le défaut de recours à un MARD avant d'intenter un procès n'était pas sanctionné, les MARD deviennent obligatoires pour les litiges jusqu'à 5000€, à peine d'irrecevabilté...
Pour certains litiges, il est difficile de savoir si le MARD est obligatoire ou non.
Comment allons nous nous en sortir?
Les nouvelles dispositions ont même anticipé l'enregistrement des requêtes via des plates formes numériques par le justiciable lui même, pour des procès sans audiences, sans avocats, et sans juges (?)
C'est pour demain, et en attendant cette nouvelle ère, on a préparé le terrain en créant les audiences virtuelles, produit magique qui permet d'éviter à la fois le justiciable et l'avocat.
Ce dernier peut dorénavant accepter que la cause qu'il défend ne soit pas plaidée à l'audience devant un Juge.
Plus de prétoire, plus de plaidoiries, car nous sommes paraît-il trop longs, parfois inintéressants, et le délai de traitement des dossiers serait ainsi amélioré.
En économisant notre temps de parole, on apporterait ainsi notre modeste contribution à l'accélération des procédures.
Un pur bonheur...
Cerise sur le gâteau,l'exécution provisoire de droit, devient le principe alors qu'elle était l'exception, avec un durcissement des conditions d'arrêt de celle-ci devant la cour.
Le but étant de marginaliser la voie de l'appel, au détriment de l'intérêt du justiciable.
Ainsi, l'accès au juge se rétrécit incontestablement avec en ligne de mire la concentration des moyens devant le tribunal et la suppression, à terme des cours d'appel.
L'humain n'est plus au centre des préoccupations.
Demain, la Justice sera simplifiée, dématérialisée et déshumanisée.
Et ce, au nom d'économies gouvernementales dont les victimes seront les justiciables.
Oh les beaux jours…